Crédit : Alfred Amambua Ngwa

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Je viens du Cameroun, qui compte six millions de cas de paludisme par an et qui est devenu cette année le premier pays à mettre en place un programme de vaccination systématique et gratuite contre le paludisme. Mon parcours de chercheur sur le paludisme a commencé il y a 20 ans, après avoir obtenu un doctorat en biochimie à l'université de Buea sur l'immunopathologie des infections parasitaires cécitantes causées par le ver Onchocerca volvulus.

Au cours de mon stage de recherche postuniversitaire, j'ai voyagé dans de nombreux villages du Cameroun et j'ai remarqué que certaines personnes réagissaient différemment aux infections par le parasite du paludisme par rapport à leur famille et à leurs amis restés au pays. Certains n'étaient que légèrement malades ou restaient asymptomatiques, tandis que d'autres mouraient. Cela m'a intrigué. Était-ce dû au redoutable agent pathogène du paludisme, à l'environnement ou à des différences entre les personnes ?

L'une de mes premières missions liées au paludisme consistait à rechercher des antigènes candidats protecteurs à utiliser dans les vaccins. J'ai rapidement appris que la diversité génétique des parasites du paludisme faisait obstacle à la mise au point d'un vaccin durable et largement efficace.

Depuis 2006, je travaille en Gambie, un petit pays d'Afrique de l'Ouest où les cas de paludisme ont chuté de 70 % entre 2011 et 2022. Je suis professeur au département de contrôle et d'élimination des maladies de l'unité du Medical Research Council en Gambie, qui dépend de la London School of Hygiene and Tropical Medicine sur le campus de Fajara, dans la ville côtière de Banjul.

Nous disposons d'excellents laboratoires et d'installations de recherche. Mon équipe collabore avec le Wellcome Sanger Institute au Royaume-Uni et le consortium du réseau panafricain d'épidémiologie génétique du paludisme (PAMGEN) de Human Hereditary and Health in Africa (H3Africa). Pendant la saison du paludisme, entre juillet et janvier, je me rends sur nos sites de recherche en Gambie et dans d'autres pays d'Afrique de l'Ouest pour discuter des progrès réalisés avec les étudiants, les collaborateurs, les communautés et les responsables de la santé publique.

Nous appliquons la surveillance génomique des parasites et des vecteurs du paludisme pour aider les programmes nationaux de lutte contre le paludisme à mieux planifier leurs interventions. Les connaissances tirées de ma centaine d'articles (publiés notamment dans Science et Nature Microbiology) permettent de suivre la propagation des parasites résistants aux médicaments et des populations de moustiques résistants aux insecticides.

Nous avons maintenant quelques réponses à la question que j'ai posée il y a quelques années au Cameroun : pourquoi certaines personnes souffrent-elles plus que d'autres des effets du paludisme ? L'une des réponses est que des mécanismes spécifiques de la biologie des parasites liés au paludisme permettent une résistance aux vaccins et aux médicaments. Cette résistance est également influencée par la diversité génomique des humains et des moustiques vecteurs dans toute l'Afrique.